La donation avant cession, un outil sous contraintes

Pour un chef d’entreprise, la cession de son actif professionnel constitue un moment clé à plusieurs niveaux. C’est le moment pour le chef d’entreprise de lâcher les rênes, mais c’est également le moment où le patrimoine professionnel glisse vers le patrimoine personnel. Ce point de bascule constitue également une opportunité pour le chef d’entreprise d’entreprendre des transmissions familiales et d’avoir recours au mécanisme de donation avant cession.

La donation avant cession

La donation avant cession est une stratégie patrimoniale consistant à faire précéder la cession de l’entreprise d’une donation de ses titres. La donation intervient peu de temps avant la cession, ce qui a pour effet de purger définitivement la plus-value constituée par la différence entre la valeur des titres au jour de la donation et leur valeur d’acquisition.

S’agissant d’une opération intercalaire, il est primordial d’être vigilant dans sa mise en œuvre afin de garantir une parfaite sécurité tant sur le plan civil que fiscal.

L’objectif d’une telle donation est de transmettre des titres sociaux, qu’il s’agisse de parts ou d’actions, ce qui présuppose que le donateur en ait la libre disposition. Il faudra donc prévoir un audit préalable afin de se libérer d’éventuelles contraintes statutaires ou extrastatutaires visant à encadrer les donations et la cession intervenant ultérieurement (clause d’inaliénabilité, clause d’agrément par exemple).

Déterminer la juste valeur des titres

Afin de sécuriser l’opération, il convient de retenir une valeur des parts qui soit conforme à la valeur de marché. Pour ce faire, il est possible de retenir la valorisation indiquée dans la lettre d’intention de cession. À défaut d’une telle valorisation, il faut se rapprocher de son expert-comptable afin de faire évaluer la société et, par voie de conséquence, les titres qui seront objets de la donation. Cette évaluation sera réalisée en utilisant différentes méthodes et en application de certains multiples propres à chaque secteur d’activité.

Dès lors que la valeur de l’entreprise est connue, la donation peut alors se faire soit en pleine propriété, soit en nue-propriété avec réserve d’usufruit au profit du chef d’entreprise. Dans le cadre d’une donation avec réserve d’usufruit, il faudra veiller à ce que le donateur ne se réapproprie d’aucune façon le fruit de la vente des titres, cette dernière devant revenir en totalité au nu-propriétaire.

Le mécanisme de donation avant cession

Le mécanisme de donation avant cession doit respecter une stricte chronologie afin de ne pas subir de remise en cause ultérieure par l’administration fiscale. La donation doit donc impérativement intervenir avant la cession. De façon plus précise, cela signifie que toutes les conditions suspensives liées à la cession ne doivent pas avoir été levées avant la réalisation de la donation. Il ne doit donc y avoir aucun accord ni sur le prix ni sur la vente. Des pourparlers peuvent avoir été amorcés avec un éventuel acquéreur, mais aucun accord ne doit avoir été arrêté sous risque que la chronologie des opérations soit inversée, rendant la plus-value imposable et, de ce fait, la stratégie inopérante.

L'importance du notaire et de l'acte authentique

Il est conseillé de faire appel à son notaire pour réaliser la donation afin que cette dernière prenne la forme d’un acte authentique, ce qui sécurisera l’opération tant sur le plan civil que sur le plan fiscal. En présence de plusieurs donataires, nous vous conseillons de réaliser une donation-partage qui permet de figer les valeurs au jour de la donation. En présence d’un enfant mineur, une précaution particulière doit être prévue dans l’acte de donation afin d’assurer une parfaite cession des titres donnés. Ainsi, un administrateur sera désigné et ce dernier aura le pouvoir de disposer des titres, évitant ainsi le recours à un juge des tutelles.

La donation devra alors être enregistrée et consignée dans le registre des mouvements de titres, quand bien même cette dernière revêt la forme d’un acte authentique. Le recours à un acte authentique permettra de donner date certaine à l’acte de donation et ainsi d’éviter toute remise en cause de la chronologie des opérations.

Les droits de donation et leur impact fiscal

Des droits de donation pourront être dus en fonction du montant des titres transmis et compte tenu du lien de parentalité. Ces droits seront dus au-delà des abattements légaux applicables entre donateur et donataire (pour rappel, l’abattement est de 100 000€ par parent et par enfant, renouvelable tous les 15 ans). Le coût de la donation peut être pris en charge par le donateur. Néanmoins, le coût de la donation vient s’imputer sur le prix de cession, venant réduire d’autant la plus-value imposable ; il peut donc être intéressant que le donataire les prenne en charge.

Lors de la cession ultérieure des titres et en fonction du temps qui se sera écoulé entre la donation et la cession, une plus-value peut être constatée si le prix de cession est supérieur au prix mentionné dans la donation. La plus-value sera alors imposée selon les règles fiscales en vigueur au moment de la cession.

 

La donation avant cession est une stratégie très efficace de transmission de son entreprise puisqu’elle vient purger la plus-value latente qui aurait été imposée entre les mains du chef d’entreprise. Au regard des atouts qu’elle présente, l’administration fiscale peut être amenée à contrôler ce type d’opération, il conviendra donc de s’entourer de professionnels afin de sécuriser la stratégie.

Maureen MARIS
Ingénieure Patrimonial